Utilisés depuis de nombreuses années dans les cas d’ostéoporose, les bisphosphonates se sont imposés dans le traitement de l’ostéogenèse imparfaite avec des résultats mitigés. Pourquoi alors sont-ils systématiquement préconisés dans les cas d’ostéogenèse imparfaite (OI)?
L’os, un tissu dynamique
L’os est en constant remodelage pour son entretien mais aussi pour l’équilibre calcique (l’os stocke du calcium ou en libère selon les besoins). Pendant l’enfance, ce remodelage est nécessaire pour la croissance, pour l’adaptation des nouvelles contraintes liées à la mobilité de l’enfant. A la puberté, cette croissance est importante, poussée par les hormones sexuelles. La formation de l’os gagne ainsi du terrain par rapport à la resorption osseuse. Ensuite, seuls les remodelages d’équilibres calciques et d’adaptation aux contraintes restent.
Les bisphosphonates sont toxiques pour les ostéoclastes (les cellules qui résorbent l’os). C’est la raison pour laquelle ils sont utilisés chez les femmes rencontrant une ostéoporose post ménopause (les oestrogènes ne sont plus produits). En effet, l’ostéoporose est provoquée par un déséquilibre où la résorption de l’os est plus importante que sa formation. Entraver la dégradation permet ainsi de conserver le plus longtemps possible la masse osseuse.
Dans les cas d’OI, la faible densité osseuse est due à la colle qui fixe le calcium dans les os et non par un déséquilibre formation -resorption osseuse.
Cette colle, c’est le réseau de fibrilles de collagène 1.

Soit ces fibrilles sont bien structurées mais présentes à 50% (problème quantitatif), soit elles sont désorganisées et le calcium ne trouve pas suffisamment de places adéquates pour s’y fixer (problème qualitatif). Le remodelage osseux (cycle resorption- formation) est très souvent plus rapide. A chaque fracture donc, les cals formés trop rapidement sont de moins bonne qualité.
En effet, la formation de l’os est aussi stimulée par …. sa dégradation! En d’autre terme ralentir la résorption osseuse ralentit aussi sa formation et donc aussi les réparations fracturaires. Or, l »avantage » dans l’OI c’est que l’on casse facilement mais dans la plupart des cas, les fractures se réparent vite aussi. Un détail souvent oublié où le protocole des 6 semaines d’immobilisation pour une fracture est appliqué d’office (voire même parfois plus longtemps…). Or, plus on immobilise, plus il y a une fragilisation du système musculo-squelettique.
Le fait que les bisphosphonates soient considérés comme LE traitement pour l’OI n’est pas une bonne chose. Leur prescription est alors souvent systématique après diagnostique de l’OI et ne tient pas compte de la très grande diversité de cette pathologie.
Précautions
- Administrer trop de bisphosphonates parce que trop dosés ou parce qu’ils n’étaient pas nécessaires peut geler l’os, c’est-à-dire arrêter ou fortement ralentir le remodelage osseux. L’os ne sait plus s’adapter aux nouvelles contraintes, ne réparent plus ou moins rapidement les fractures et ne joue plus son rôle dans l’équilibre sanguin phospho-calcique.
- Les bisphosphonates entravent parfois le travail des chirurgiens orthopédistes qui veulent pratiquer des ostéotomies (cassures de l’os) en vue de redresser un membre parce que l’os traité peut devenir trop dur.
- Les bisphosphonates se fixent durablement dans les os. Ce n’est pas comme prendre un médicament puis, qu’à l’arrêt de la prise, le retour à l’état initial est direct. Donc, la fin du traitement ne signifie par retrouver un os à nouveau dynamique. Si les effets étaient positifs, tant mieux sinon…
Mes réflexions
Le but des bisphosphonates dans l’OI est de réduire le nombre de fractures par le renforcement de l’os. Or, à ce jour, aucune corrélation probante n’a pu être démontrée entre l’administration de bisphophonates et la réduction du nombre de fractures, et ce malgré une augmentation de la masse osseuse. 1 (ce que l’on remarque aussi dans les cas d’ostéoporose) .
Certaines personnes ont remarqué une amélioration de leur état. Il faut savoir que la puberté joue un rôle majeur dans l’amélioration de l’OI: Les hormones sexuelles favorisent la synthèse du collagène. La substance bénéficiaire n’est donc peut-être pas celle que l’on croit.
A ce titre d’ailleurs, je ne conseille pas l’administration de bisphosphonates pendant cette période où l’os est poussé à se développer, se former. Plusieurs enfants en période pré-pubertaire qui ont été testés avec le pamidronate fin des années 1990 ont expérimenté plus de fractures que d’habitude.
Les bisphosphonates altèrent le remodelage osseux et donc aussi les réparations fracturaires. Augmenter le temps d’immobilisation du membre cassé n’est certes pas à l’avantage de la personne (l’immobilisation est à éviter pour éviter un affaiblissement du système musculo-squelettique) d’autant que l’augmentation de la masse osseuse liée à la prise des bisphosphonates ne réduit pas le nombre de fractures.
Grâce à une étude réalisée par les Cliniques St Luc de Bruxelles et soutenue par l’AFBOI, il a été démontré que l’anti-sclérostine augmente la densité osseuse chez les souris traités AVEC une réduction du nombre de fractures. 2 Le lieu d’apposition du nouvel os est différent de celui des os traités par bisphosphonates et joue donc un rôle dans la solidité de l’os.
Les bisphosphonates ont montré cependant un effet positif sur les corps vertébraux qui ont gagné en épaisseurs. Il sont donc indiqués dans le cas d’OI où le tassement vertébral est le soucis majeur. Notons que des cas d’ostéo-nécrose des mâchoires ont été observés chez certaines personnes traitées aux bisphosphonates.
Il y a lieu d’ajouter que l’analyse des tendons de souris traités par les bisphosphonates par les Cliniques St Luc de Bruxelles sont améliorés. Des investigations doivent donc avoir lieu pour mieux cerner le mode d’action de ces bisphosphonates. A suivre donc…
[1] J.D Hald et al. – Bisphosphonates for the prevention of fractures in osteogenesis imperfecta: meta analysis of placebo-controlled trials. J Bone Miner Res 30 [5] (2015) 929-33
[2] M. Cardinal et al. – Slerostin-Antibody Treatment Decreases Fracture Rates in Axial Skeleton and Improves the Skeletal Phenotype in Growing oim/oim Mice. Calcified Tissue International, submitted in july 2019